Poésie et musique romaines

Co-organisateur Jacques André éditeur.

De mon trop bref passage en Roumanie, je conserve le souvenir de paysages magnifiques, du sourire de ses habitants, de belles cités très anciennes et chargées de civilisation. Je me souviens plus particulièrement de la ville de Sibiu et du regard malicieux de ses vieilles maisons j'avais en effet remarqué dans la région ces petites ouvertures dans les toitures, comme des paupières à demi closes, qui me donnaient l'impression que ces antiques demeures me regardaient avec bienveillance.

J'avais également retenu que Frédéric Hannemann y avait fait ses études de médecine. Avec une pointe de romantisme, on peut considérer que Sibiu fut le berceau de cette thérapie étrange et universelle qui s'attache à guérir l'Homme avec tellement peu de matière qu'on peut dire de cette dernière qu'elle n'est constituée que de symboles.

Mais Sibiu, c'est également la ville où fut − en 1919 − publié le premier tome de l’œuvre complète de Lucian Blaga que nous avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui, et à la réédition de laquelle j'ai l'honneur de participer, grâce à Jean Poncet, que je remercie. Lucian Blaga n'avait que 24 ans, mais la maturité de son écriture est celle d'un poète, sa vie le confirmera. Eh oui ! A quoi reconnaît-on un poète, sinon par sa destinée ? Sinon par la cohérence entre ce qu'il écrit et ce qu'il accepte de la vie ? Un poète, c'est quelqu'un de sincère avec lui-même.

Lucian Blaga fut un poète de la lumière, même si sa vie d'écrivain s'acheva dans la ténèbre.

Voilà donc notre tâche, à nous, traducteur, éditeurs : ouvrir les volets, lever les paupières des maisons de Sibiu pour te retrouver, Lucian Blaga, te faire connaître auprès du public français… Belle mission, n'est-ce pas ? Car éditer de la poésie est notre fonction, pour ne pas dire notre sacerdoce.

Je vous parlais tantôt de l'homéopathie. Eh bien la poésie, et tout particulièrement celle de Lucian Blaga, fonctionne de manière… similaire : elle soigne les Hommes avec de très petits mots très simples de la vie ordinaire. Laissons maintenant transparaître la lumière, parler le silence et couler la source de la nuit.

JACQUES ANDRE