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Tout public
Réservation obligatoire
Gratuit
Calenture N𫀙 de l’Hypogée – Pour clown blanc au secours d’un Auguste
Texte de Catherine Lefeuvre
avec Jean Lambert-wild : Gramblanc et la participation du petit cochon Pompon
Les emplois de Gramblanc à La Station théâtre ne sont pas une sinécure. La saison passée, on l’aura vu, dans Coloris vitalis, exploser en jeu de langue sous la pression de ses couleurs intérieures puis pendu par notre directeur dans Le Clown des marais. En novembre de cette saison il aura repris du service en passeur vers la mort dans Au cas où l’Ankoù. D’un naturel fort peu rancunier, le voici cette fois au chevet de Ronald, le fameux Auguste dont il aurait pu faire son partenaire s’il n’avait été dévoré dans l’horreur du système consumériste que l’on connaît.
À contrario des acteurs et des actrices recyclant leur talent cathartique dans des ambassades publicitaires, le clown lui est une postérité sans visage, dont le masque peut s’adapter aux demandes de toutes les marques, une image dont l’engagement émotionnel de son audience ne dépend pas du storytelling de son destin fantasmé. Il ne tient pas l’affiche. Il en est la colle !
Pour cela les Augustes ont un avantage sur les clowns blancs car l’excès de leur nature enrichit une palette de transformations candides. Les clowns blancs ont, en effet par constitution, des rires dialectiques dont l’épanouissement des nuances est peu compatible avec les ricanements médiatiques. L’affirmation de l’Auguste fait du rire un slogan, là où le faire-valoir du clown blanc fait du rire un manifeste !
Je me souviens de l’Auguste Ronald Mac Donald. Qu’est-il devenu ? Je l’ai retrouvé abandonné sur un banc, lui qui pourtant était connu par plus de 96 % des enfants américains dans les années 2000. À l’instar de ses pairs relégués à l’image terrifiante de clowns « tueurs », il a été mis au placard comme le symbole d’une mondialisation ringarde et effrayante, une icône vomissante dont de nombreux artistes contemporains font commerce en l’exposant, en le crucifiant, en le parodiant. Ils sont autour de lui comme des hyènes grattant le peu de chair que ce pauvre Ronald peut encore offrir.
Seul, abandonné sur son banc, il est la conscience malheureuse du début d’un siècle qui a perdu la joie simple d’une entrée clownesque. Et pourtant, rien n’empêcherait qu’un clown blanc accompagné de son petit cochon Pompon, ne refasse avec lui un couple de rigolades, de tartes et de baffes, de chûtes et d’explosions, de faiblesses essentielles et de forces inutiles. Ces retrouvailles sont encore possibles et l’issue de leur collision serait aussi drôle que tragique. Il suffirait qu’ils se rejoignent sur un banc, tels deux vieux amis que l’adversité de la nuit et du brouillard aurait séparés. Qu’ils essayent à nouveau, qu’ils ratent encore, jusqu’à ce que le fantôme de Samuel Beckett redevienne leur spectateur et les applaudisse en éclatant de rire.
Jean Lambert-wild